Un maire peut refuser un permis de construire même s’il est conforme au PLU

1. Le maire peut-il refuser de signer un permis de construire

Un maire peut refuser de signer un permis de construire

Oui, un maire peut refuser de signer un permis de construire. Plus exactement, il peut signer un refus de permis de construire, c’est son droit. C’est lui, au nom de la commune, qui accepte ou refuse de délivrer les autorisations d’urbanisme : permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir, etc.
Sans sa signature, aucun chantier ne peut légalement démarrer.

S’il estime qu’un projet porte atteinte à l’intérêt général, à la sécurité, à la salubrité, à l’environnement, au patrimoine ou à la cohérence urbaine, il peut :

  • refuser le permis de construire,

  • ou demander des modifications au promoteur avant signature.

2. Un maire peut-il refuser un projet immobilier qui respecte le PLU ?

Un maire a le pouvoir politique de refuser de bétonner sa commune

Oui, un projet immobilier, même conforme au Plan local d’urbanisme (PLU) n’est pas automatiquement signé par le maire.
Le maire peut :

  • retarder l’instruction,

  • négocier la hauteur, le nombre des appartements ou les accès,

  • protéger des éléments du paysage ou du patrimoine,

  • modifier le PLU (ou le geler) s’il souhaite réorienter la politique d’aménagement.

Ces leviers sont utilisés dans de nombreuses communes pour éviter les projets excessivement denses.

3 - Quels sont les pouvoirs du maire pour s'opposer à un projet immobilier ?

Même lorsqu’un projet immobilier respecte formellement le PLU, l’autorité compétente (le maire, au nom de la commune) n’est ni désarmée ni tenue de signer « automatiquement ». Le droit français offre plusieurs leviers légaux, à condition de motiver la décision et de s’appuyer sur des faits précis.

a- Refus de permis de construire pour motifs d’intérêt général (salubrité, nuisances, sécurité, circulation, stationnement)

La saturation du trafic routier est une cause de refus de permis de construire

La conformité au PLU n’épuise pas l’ensemble des exigences. Un permis peut être refusé si le projet fait courir un risque à la salubrité publique, à la sécurité ou génère des nuisances excessives, dès lors que ces motifs sont exposés par le maire. La cour administrative d’appel de Paris a ainsi validé, le 19 juin 2024, un refus visant des meublés touristiques en rez-de-chaussée sur cour, en raison d’un risque de nuisances sonores et d’atteinte à la tranquillité/salubrité des lieux. Cette décision rappelle que l’autorité locale peut refuser au-delà du seul PLU lorsqu’elle justifie en droit et en fait.

b - Refus de signer un permis de construire pour contraintes techniques et réseaux

les contraintes de réseaux peuvent aussi justifier le refus de PC

Le maire peut également refuser un projet immobilier si les conditions techniques (accès, desserte, réseaux) ne sont pas, selon lui, correctement garanties par le promoteur (eau potable, assainissement, accès sécurisés, etc.). La jurisprudence récente confirme que ces éléments peuvent fonder légalement un refus (CAA Marseille, 1er oct. 2019, n° 18MA02417 (Commune d’Argeliers). Cette décisions montrent que, même si un projet immobilier est “réglementaire” au regard du PLU, un maire peut légalement refuser un permis de construire lorsque la desserte par les réseaux (eau, électricité, assainissement, accès) n’est pas, selon lui, assurée ou impose des travaux qu’il ne veut faire supporter par le budget de sa commune,

c - Refus pour densité, qualité urbaine, patrimoine, insertion architecturale

La densité immobilière n'améliore pas la qualité de vie

Au-delà du gabarit et des règles littérales du PLU, la qualité architecturale et paysagère peut justifier un refus si le projet porte atteinte au cadre urbain tel que protégé par les documents d’urbanisme. La jurisprudence la plus récente renforce l’exigence de contrôle sur ces critères, permettant d’écarter des projets « réglementaires » mais mal insérés comme par exemple la construction d’immeubles dans un quartier constitué de maisons. (Le Conseil d’Etat renforce son contrôle sur les décisions de sursis à statuer pour faire respecter les contraintes environnementales)

d - Sursis à statuer pour élaboration ou révision du PLU ou OAP

Un permis peut être refuser si une modification du PLU est demandée

Lorsque la commune élabore ou révise son PLU, elle peut opposer un sursis à statuer aux demandes d’autorisation susceptibles de compromettre le futur plan. 

Cela signifie que, lorsqu’un débat de fond est ouvert (élaboration ou révision du PLU, ou orientations d’aménagement), il est légitime de caler le tempo des autorisations sur le mandat à venir, pour laisser trancher les électeurs. Ce n’est pas un « gel arbitraire », mais un outil prévu par la loi (Conseil d’État, 6ème – 1ère chambres réunies, 18/12/2017, 380438).

4. En cas de refus de permis de construire, un promoteur peut-il saisir le tribunal ?

Chantier à l'arrêt

En théorie, un promoteur pourrait contester un refus de permis de construire devant le tribunal administratif.
Mais en pratique, il préfère souvent négocier avec le maire.

Un recours contentieux est en effet long (entre 12 et 36 mois) et incertain.
Le juge administratif se limite à vérifier la légalité formelle de la décision, sans se prononcer sur l’opportunité politique ou urbaine du refus.

Et même si le promoteur obtenait gain de cause en première instance, le maire pourrait faire appel devant la cour administrative d’appel, prolongeant ainsi la procédure de plusieurs années.

Concrètement, pour le promoteur immobilier, la difficulté est celle du temps de l’action judiciaire qui coïncide difficilement avec l’équilibre financier de son projet immobilier.

En réalité, la plupart des promoteurs privilégient la voie de la négociation, plutôt que de s’engager dans une bataille judiciaire coûteuse et aléatoire.

5. Aprés un permis de construire signé, le maire garde le pouvoir sur la réalisation effective du projet immobilier

Des autorisations du maire sont nécessaire après le PC

Le cas est fréquent après les élections municipales. Un nouveau maire peut refuser de signer des autorisations administratives d’occupation du domaine public pour installations de chantier, surplombs, livraisons à un promoteur immobilier qui a obtenu un permis de construire signé par le maire précédent.

Par exemple, si un pied de grue et le chantier sont sur un terrain privé, tout surplomb ou emprise sur la voie publique (trottoir, chaussée, espace public) nécessite une autorisation d’occupation du domaine public (AOT). Sans cet accord, un chantier peut être fortement ralenti ou impossible à organiser.

Le Conseil d’État a rappelé qu’en présence d’éléments en surplomb du domaine public, une demande d’AOT doit être demandée au maire. Si le maire refuse, la réalisation du chantier est compromise.

Le promoteur immobilier peut engager un recours mais l’issue est incertaine (Conseil d’Etat, 25 octobre 2023, Société Villa Les Guilands, n°471052) et de toutes façons, la longueur de la procédure devant le tribunal compromettra fortement la rentabilité de son investissement. Il a donc tout intérêt à renégocier son permis de construire avec le maire nouvellement élu.

De façon plus générale, le maire peut refuser ou encadrer une Autorisation d’Occupation Temporaire du Domaine Public  pour des motifs d’intérêt général (sécurité, circulation, contraintes locales). C’est un levier concret pour renégocier le permis de construire.

A retenir

La conformité au PLU n’impose pas au maire de signer le permis de construire : d’autres exigences (salubrité, nuisances, sécurité, insertion, réseaux) peuvent fonder un refus.

Les autorisations d’occupation du domaine public (grues, surplombs, livraisons) sont des gages d’effectivité : sans elles, un chantier ne peut pas se dérouler normalement. Le maire garde le pouvoir.

Le sursis à statuer est un outil de tempo politique et juridique quand une élaboration ou révision de PLU est en cours.

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