Vous trouverez ci-dessous un article de
monsieur Constantin NAPOLÉON,
Président de l’association
Bien vivre à Canteleu
Les limites de la démocratie participative dans un contexte de densification urbaine: L’exemple de Canteleu (Lambersart)
Résumé
S’il est une notion qui semble bien résumer le climat politique, écologique, social et économique que traverse actuellement notre quartier c’est bien celle de la démocratie participative qui nous a été imposée dans le contexte de la densification urbaine actuelle de la ville de Lambersart. Dans cet article, nous allons tenter de montrer comment cette notion en apparence séduisante pour l’engagement des citoyens dans les décisions publiques, a été instrumentalisée comme ici dans un contexte de densification urbaine au point de déboucher sur des conclusions préjudiciables à l’intérêt de la population que cette démocratie supposée participative était censée protéger.
Introduction
La perspective de construire dans ce quartier une centaine de logements dont 40% de logements sociaux par des promoteurs immobiliers privés avec la bénédiction de la mairie dans le cadre du rachat du site point P (anciennement Comar) inquiète la population dont la qualité de vie sera fortement et négativement impactée par ce projet.
Il est important de rappeler tout d’abord le contexte dans lequel ce projet immobilier de Canteleu a été envisagé. Ce quartier très minéral, avec ses 5593 habitants soit 20,4 % de la population de Lambersart, est un des quartiers les plus densément peuplé de la ville et de la métropole lilloise. C’est également un quartier carrefour qui subit déjà une forte densité de circulation routière du fait de sa situation géographique. Il souffre déjà d’un manque d’espaces verts et de stationnements adaptés pour les riverains et pour ceux qui le fréquentent régulièrement notamment pour les conduites à l’école Sainte Odile qui compte près de 1 500 scolaires.
Notons également que parallèlement à ce projet deux autres grands projets sont également prévus dans ce quartier : d’une part le projet du site du garage Renault, avenue de Dunkerque : 120 studios en logements sociaux et d’autre part, celui de l’avenue Auguste Bonte, derrière le Lidl sur les 5 hectares des pâtures Bonte : 350 appartements dont 140 en logements sociaux.
Pour renforcer la légitimité de cette densification immobilière et s’assurer son acceptabilité sociale, notre municipalité a fait le choix de s’appuyer sur un dispositif des réunions de concertation.
Pour autant et ce malgré les bonnes intentions affichées, ces réunions se sont avérées être des invitations à une soumission librement consentie à un projet immobilier qui était déjà ficelé depuis longtemps et qui ne correspond en rien aux rêves et aux attentes des administrés. Mais, pour tenter de les convaincre, la municipalité a souvent invoqué le prétexte d’un intérêt général et surtout le fait qu’il n’y a pas d’autres alternatives.
Or, nous allons montrer dans cet article comment l’absence d’alternative TINA, « There is no alternative » de Margaret Thatcher peut conduire les citoyens à se retrouver finalement dans une situation dans laquelle la notion même de démocratie participative perd tout son sens.
Les limites de la démocratie participative
Dans ce projet immobilier comme dans d’autres, la municipalité a eu recours à plusieurs leviers pour tenter de convaincre et de rassurer les citoyens. Nous allons en présenter les plus frappants.
Les contraintes réglementaires et budgétaires
Le premier levier mobilisé est celui des contraintes réglementaires en invoquant notamment le PLU 3 et le code de l’urbanisme et en arguant qu’il n’y a pas d’autres alternatives alors même qu’un maire a tout à fait le droit sur le plan administratif et politique de s’opposer à des projets lorsqu’il estime qu’ils peuvent s’avérer mortifères pour sa population.
Le deuxième levier a été celui des contraintes budgétaires et des amendes que payent la municipalité. Celles-ci s’élèveraient à près de 300 000 € avec une perte de la Dotation de Solidarité Urbaine (DSU) attribuée par l’État. La population lambersartoise serait en effet trop riche et vieillissante avec trop peu d’habitants éligibles à l’APL.
La cohésion et de la mixité sociale
Dans le même ordre d’idée, l’argument de la cohésion et de la mixité sociale a été également instrumentalisé pour justifier la densification urbaine de notre ville et celle de Canteleu en particulier en invoquant le fait que la ville n’aurait pas suffisamment de logements sociaux.
A ce titre, la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) obligeant les communes à respecter un quota de logements sociaux de 25%, notre municipalité à préféré imposer dans le projet immobilier de Canteleu, comme dans d’autres, plus de logements sociaux que ne l’exige la loi à savoir 40 %! On peut alors se demander si ce serait un moyen de combler le déficit de logements sociaux manquants dans d’autres quartiers au risque d’accroitre les inégalités spatiales entre les quartiers.
La stratégie de communication de notre municipalité sur ce sujet est d’autant plus surprenante lorsqu’un élu délégué à l’information précise dans la Voix du Nord du 23 octobre 2024 que : « Ce n’est pas parce qu’il y a beaucoup de constructions qu’il y aura une augmentation du nombre d’habitants(…) ». Alors que dans le même temps le conseiller délégué au logement déclare dans le dernier numéro de la presse municipale que : « Construire des logements, c’est permettre à Lambersart de conserver sa population ».
De surcroît, les citoyens finissent par s’interroger légitimement sur la cohérence de soutenir des projets immobiliers qui n’attireront même pas plus de populations sédentaires. A moins que notre ville soit prédestinée à devenir une ville dortoir avec des locations de type Airbnb et avec des logements sociaux en prime. Une équation qui ne fait pas franchement rêver.
Cet argument de la contrainte budgétaire devient encore moins crédible lorsque notre municipalité nous assure parallèlement dans la même édition de la Voix du Nord que depuis son arrivée l’équilibre budgétaire de notre ville est assuré et que nous n’aurions même pas besoin d’emprunter puisque nous aurions même une capacité d’autofinancement brut qui devrait s’établir autour de 3,5 millions d’euros pour 2024 !
Il est également intéressant d’évoquer la stratégie de communication pernicieuse utilisée par la municipalité pour renforcer la légitimité de ses choix de densification urbaine de notre ville.
Une information sélective et biaisée.
Dans ce processus participatif des concertations sur des projets immobiliers comme le nôtre, on constate effectivement que les promoteurs immobiliers avec l’appui de la municipalité fournissent souvent des informations sélectionnées pour orienter les opinions des citoyens en leur faveur, en mettant l’accent sur les avantages économiques supposés mais sans forcément mentionner les conséquences environnementales ou sociales au risque de donner effectivement l’impression que l’information fournie est très sélective et biaisée dès lors qu’elle n’évoque pas certains problèmes cruciaux qui touchent la population comme par exemple l’insécurité qui explose dans notre ville, la pollution, la santé, etc.
La présentation dans la presse municipale de sa carte des projets immobiliers sur notre territoire en est une parfaite illustration. Alors qu’on y présente 18 projets immobiliers dont la concertation est soit en cours ou pour lesquels des permis de construire ont été déposés, on nous soutient parallèlement qu’il y a davantage d’espaces verts protégés sur notre territoire ainsi que davantage de micro-forêts… Ces problèmes d’accès et de manipulation de l’information peuvent provoquer un sentiment d’exclusion, de désengagement et d’impuissance chez les citoyens lorsque ces derniers ne voient pas leurs préoccupations ou suggestions reflétées dans les informations véhiculées considérant parfois que : « c’est pot de terre contre pot de fer « . Alors même que cela aurait sans doute été plus intéressant d’élargir la focale comme le font déjà certaines villes. Dans son édition du mercredi 30 octobre 2024 la Voix du Nord nous apprend par exemple que : Délinquance : Pérenchies réunit police, Éducation nationale, bailleurs sociaux… autour de la table.
La sémantique de l’intelligence collective
Lors des réunions de concertation, des éléments de langage comme la notion de l’ »Intelligence collective » ont été également mobilisés pour susciter l’adhésion des citoyens à des projets louables en théorie certes mais tout évitant des sujets plus sensibles comme la santé, l’environnement et l’insécurité pour la population. L’intérêt de cette forme d’oxymore est double : d’une part cette notion permet pour la municipalité de se prémunir contre d’éventuelles critiques et de légitimer en amont des décisions qui sont présentées lors des réunions de restitution des projets aux citoyens.
Elle pourra ainsi justifier sa décision auprès des citoyens en leur disant que « C’est le choix que vous avez exprimé en proposant vos différents scénarios possibles lors des réunions de concertation » Quitte à ajouter qu’elle a même fait mieux que ce que souhaitaient les habitants.
D’autre part et en cas de survenance de conséquences catastrophiques postérieures liées à cette densification urbaine, comme par exemple celles auxquelles nous assistons actuellement (les inondations, la pollution de l’air, etc.), la municipalisé pourra toujours s’en dédouaner en arguant que : « C’est l’ »Intelligence collective » issue des concertations qui est à l’origine des choix erronés qui ont été exprimés par les citoyens ». Alors même que les décisions ont été prises par les experts-élus guidés uniquement par des intérêts idéologiques et économiques.
La manipulation de l’agenda politique
À la veille des prochaines échéances électorales, l’agenda politique peut également être un instrument de manipulation et de soumission de la population à l’adhésion des projets immobiliers non désirés initialement par elle. A ce titre, on observe par exemple que le choix des dates des réunions de concertation imposées par la municipalité pour le projet de Canteleu n’est pas anodin : fin juin, c’était la veille des vacances d’été et prochainement en décembre, une réunion de restitution du projet de Canteleu à la veille des fêtes de fin d’année et au moment où la population n’a pas forcément l’esprit à ces projets.
On retrouve ainsi le fameux « paradigme du déficit » qui conduit à considérer que si les experts et les décideurs informent suffisamment les citoyens pour les convaincre que les avantages d’une densification urbaine l’emportent sur les risques et/ou si le débat a lieu suffisamment tôt ou quelque soient les dates choisies, alors les citoyens auront tendance à trouver cette densification acceptable et surmonteront plus facilement leurs craintes.
La pertinence et la crédibilité de ces réunions relèvent ainsi d’un débat alibi surtout que les débats du projet de Canteleu ont porté sur un projet qui était déjà ficelé longtemps à l’avance et dont les éléments de sa restitution étaient même déjà connus, y compris par d’autres acteurs non directement concernés par le projet.
La menace de la mise sous tutelle de notre ville
La menace de la mise sous tutelle de notre ville a également été une arme utilisée dans ces réunions de concertation. Il est vrai qu’en brandissant le spectre d’une mise sous tutelle potentielle de notre ville, pourtant bien gérée à en croire les informations distillées dans la presse et en faisant peur aux citoyens, il est plus facile d’obtenir leur adhésion à des projets de densification urbaine qui ne vont pas forcément dans le sens de leur intérêt. On retrouve alors à nouveau le fameux concept d’ »absence d’alternative… »
A l’heure où les catastrophes climatiques se multiplient, comme dans le Var, Valence en Espagne ou plus près de chez nous dans le Pas-de-Calais et que l’insécurité explose dans notre ville avec des cambriolages à répétition, des dégradations de biens et la dépréciation immobilière de nos maisons, les contribuables que nous sommes avons parfois le sentiment de subir la triple peine : les franchises d’assurance qui augmentent en conséquence, les impôts et le traumatisme psychique occasionné par l’insécurité.
En multipliant des projets immobiliers à Lambersart et au détriment des espaces verts, notre municipalité ignore sciemment ou involontairement le degré d’irréversibilité des conséquences de ces projets sur la santé, sur la qualité de vie et sur l’environnement, pour nous et pour les générations à venir alors que nous devrions ouvrir davantage les yeux, agir et surtout ne pas appuyer sur la pédale d’accélérateur nous conduisant droit dans le mur de ce qui est déjà une véritable catastrophe écologique.
Pour reprendre une formule célèbre de Jacques Chirac : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs.. » alors qu’il est clairement avéré que la qualité de vie dans notre ville se dégrade du fait de cette bétonisation mortifère surtout dans des quartiers densifiés comme le nôtre. L’insécurité n’a jamais été autant préoccupante et anxiogène dans nos quartiers alors qu’en même temps on apprend incidemment que notre ville serait dotée de caméras de surveillance pour lesquels nous payons des impôts mais dont notre municipalité n’est pas sûre qu’elles fonctionnent.
Conclusion
En guise de conclusion, on peut retenir comme nous avons tenté de le montrer à travers cette modeste contribution que contrairement à la voie privilégiée par notre municipalité, la transparence de l’information et la prise en compte effective des contributions citoyennes sont essentielles pour améliorer l’acceptabilité de ces projets immobiliers.
Par contre et comme cela a été hélas le cas dans le projet immobilier de Canteleu, en faisant fi de la colère exprimée par les citoyens dans les compte-rendu de la presse municipale, le risque est de provoquer chez les citoyens-contribuables et électeurs un sentiment d’exclusion et de désengagement vis-à-vis de la politique, ce qui n’est vraiment pas souhaitable pour une véritable démocratie participative.
La sagesse nous apprend en effet et jusqu’à preuve du contraire qu’on ne peut pas décréter arbitrairement tout sur tout et qu’il faut parfois être véritablement à l’écoute de l’autre. Sinon cela s’apparente à un déni de démocratie.
Constantin NAPOLÉON
Président de l’association
Bien vivre à Canteleu
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